BLOCS MONO
Le constructeur californien célèbre son 23e anniversaire en lançant une nouvelle série d’amplificateurs baptisée Point 8, passerelle entre les gammes Point 5, plus abordable, et XS, au sommet du catalogue. Soit dix modèles dont cinq en classe A comme ces blocs mono XA100.8.
Fondée en 1991 par Nelson Pass, la société Pass Labs fait partie de ces entreprises qui ont suivi et suivent encore une même philosophie de conception depuis le premier appareil commercialisé en 1992 pour Pass Labs avec l’Aleph 0. Cette philosophie tient en une phrase, à savoir schéma d’amplification symétrique polarisé en classe A avec un minimum d’étages. C’est globalement le cœur de la structure électronique que Nelson Pass a mise en œuvre sous différentes formes au sein de ses produits depuis 1991. La série Point 8 a été développée dans cet esprit et elle couronne vingt-trois années de professionnalisme au service de la restitution musicale de très haute fidélité. Le bloc mono XA100.8 prend place au sein d’une gamme incluant dix produits dont cinq en classe A (le A de XA) et cinq en classe AB.
Après « less is more », voici « more is more »
On a longtemps cru que le fait d’améliorer les performances mesurables d’une électronique suffisait à améliorer sa fidélité, sa musicalité. Pourtant ce constat plutôt vrai au début de la haute-fidélité fut ensuite critiqué et rejeté par nombre de mélomanes et d’audiophiles qui ne retrouvaient pas la perception de la musique réelle à l’écoute de matériels absolument extraordinaires à la mesure. Cette « perception » des sons et son interprétation par notre mental et par notre corps restent encore très mystérieuses, mais il est évident qu’elles ont une très grande part dans notre appréciation subjective d’un son. Certains constructeurs font appel à des testeurs aux oreilles très affûtées qui, après des sessions d’écoutes intensives, orientent le constructeur vers certains choix technologiques. Mais la démarche est coûteuse, complexe et repose toujours sur des appréciations personnelles d’une minuscule minorité de « golden ears ». A la suite de retours unanimes très positifs obtenus dès 1994 avec ses amplificateurs de très faible puissance Zen Amp conçus au plus simple (un unique étage actif en classe A) pour une musicalité extrême, Nelson Pass imagine la gamme Point 8 selon la philosophie Zen Amp mais avec plus de transistors et très peu d’étages pour plus de puissance, d’une part, et moins de distorsion avec moins de contre-réaction, d’autre part.Le XA100.8 utilise un schéma à trois étages. Celui de puissance est constitué de 28 transistors Mos-Fet par canal dont le courant de repos a été augmenté afin de linéariser encore plus le fonctionnement en classe A tout en sollicitant moins chaque transistor. Donc moins de distorsion, plus de fiabilité et une capacité en courant augmentée. Tous ces Mos-Fets sont montés au dos d’énormes dissipateurs à ailettes verticales en X qui évacuent plus efficacement les calories que les précédents dissipateurs à ailettes inclinées et horizontales. Autre amélioration significative, l’étage d’entrée et celui de gain en tension de chaque modèle de la gamme Point 8, montés sur un circuit imprimé fixé au dos des fiches RCA et XLR, sont adaptés en fonction des caractéristiques de l’étage de sortie (nombre de transistors, tensions d’alimentation, courant de polarisation, taux de contre-réaction optimum, etc.). Ces étages utilisent des transistors complémentaires de plusieurs technologies (J-Fet, Mos-Fet et bipolaire) dont certaines références Toshiba désormais disparues mais stockées en grande quantité par Pass Labs. L’alimentation dispose d’un énorme et unique transformateur torique, puis d’une banque de redresseurs et de condensateurs de filtrage distinct pour chaque canal. La mise sous tension combine un contact de relais de puissance qui shunte un circuit actif à triac absorbant la pointe de courant à l’allumage. Le châssis est essentiellement constitué de tôles d’aluminium, des deux radiateurs latéraux, d’un capot en acier très épais et d’une face avant très gracieuse en alu massif dotée d’un galvanomètre rétroéclairé pointant le courant de polarisation et d’un poussoir de mise sous tension. La connectique de qualité dispose entre autres de fiches haut-parleurs Furutech de la série FT-800. Peu de câblage interne hormis ceux du transformateur et quelques nappes limandes entre les circuits imprimés.
Fabrication et écoute
Construction : On retrouve la touche Pass sur cette nouvelle série d’amplificateurs Point 8. L’esthétique ressort plus affinée avec une face avant plus fine mais toujours en aluminium massif et des dissipateurs plus denses à ailettes verticales. Tout cela allège la silhouette de ce bloc stéréo tout en la rajeunissant par la même occasion. L’implantation interne reprend l’architecture des autres électroniques de puissance du constructeur, c’est donc simple avec peu de circuits, direct avec peu de câbles et (relativement) dépouillé par le fait d’un schéma optimisé du meilleur cru de la maison Pass.
Composants : À propos de schéma, cette série Point 8 célébrant le 23e anniversaire de la marque a bénéficié d’une mise au point plus poussée encore que sur les séries précédentes du constructeur. À puissance équivalente, l’incontournable classe A des circuits Pass des autres gammes évolue ici par une utilisation à plus fort courant de repos d’un plus grand nombre de transistors de sortie, gage d’une fiabilité et de performances accrues. Par ailleurs, l’étage d’entrée de chaque modèle de la gamme est adapté en termes de réglages à la topologie de l’étage de sortie. C’est du « prêt à écouter » conçu comme du sur-mesure ! Pas d’ésotérisme superflu dans la boîte, mais des composants retenus pour leurs qualités musicales et leur disponibilité.
Grave : C’est peut-être le registre qui évolue le plus sensiblement par rapport aux autres modèles Pass que nous avons pu tester ou écouter jusqu’alors. Le XA100.8 ne délivre « que » 100 W sous 8 ohms, mais on ressent une force, un impact, une ampleur et une articulation dans le grave auxquels nous ne nous attendions pas particulièrement. Sans atteindre néanmoins la rigueur de notre bloc stéréo repère plus puissant et travaillant en classe AB, la ligne de basse synthétique sur « Moonlight on Spring River » par Zhao Cong reste bien contenue sans jamais verser dans la mollesse ou l’embonpoint. De même la contrebasse sur « My Treasure » par Sinne Eeg répond assez énergiquement aux cordes frottées, les sonorités cohérentes témoignent d’une caisse de résonance aux proportions crédibles.
Médium : Nous gardons un souvenir toujours ému des électroniques Pass pour leurs prestations dans cette zone de fréquence. Quoi qu’on puisse en dire, la classe A reste toujours supérieure aux autres classes d’amplification pour véhiculer la texture d’un message ou l’émotion d’une interprétation. Le XA100.8 nous a semblé aller un cran plus loin encore dans la densité harmonique du rendu, dans la justesse des timbres que les autres Pass testés. Pour être tout à fait honnête, c’est plus subtil que pour le grave, mais le fait est que la voix de Simone Kermes interprétant « Ha Vinto Amor » nous a paru plus dense en informations et donc plus présente et plus organique. Même impression pour les instruments baroques dont les sonorités spécifiques parfaitement restituées par le XA100.8 sont totalement débarrassées de l’agressivité électronique qui apparaît habituellement avec les amplificateurs polarisés dans une autre classe d’amplification.
Aigu : Avec autant d’éléments actifs montés dans les étages de sortie, on pouvait craindre un certain effet de gommage des détails dans le haut du spectre. Or il n’en est rien et l’on reste même surpris par le délié et le fouillé du registre proposé par le XA100.8. La pipa et les différentes percussions sur « Moonlight on Spring River » conservent une grande fluidité et une grande densité dans l’analyse. Les extinctions des petites percussions notamment ne tarissent pas de microdétails dans la durée.
Dynamique : Les spécifications techniques laissent présager d’une électronique généreuse et prête à en découdre avec les appels transitoires dont regorge la musique. Effectivement, sur la piste « Animal » de Francis Cabrel, le XA100.8 a du tempérament et prouve qu’il est capable de délivrer pas mal d’énergie sur les frappes répétées des baguettes sur les fûts. C’est puissant et toujours bien timbré. Sur les impacts de la boule sur la grosse caisse du « Dis-le » par Baz Baz, la sensation de poids est très satisfaisante avec un côté néanmoins plus charnel que tellurique, mais systématiquement crédible.
Attaque de note : Sur ce critère également, l’impression est différente de ce qu’on ressent généralement avec un excellent amplificateur en classe AB ou en classe D. L’écoute des pistes ci-dessus montre que le XA100.8 est un classe A rapide, ce que très, très peu de concurrents dans ce type de classe d’amplification peuvent revendiquer. Cependant cette spontanéité s’accompagne de matière, de palpabilité, d’épaisseur, trois caractéristiques propres à la classe A dont tout mélomane apprécie la crédibilité supérieure. De ce fait, cette particularité concourt à rendre chaque attaque de note plus réaliste avec une dose de douceur relative qui différencie le rythme de l’urgence, le phrasé de la brutalité.
Scène sonore : Comme sur tous les autres critères subjectifs, le XA100.8 ne déçoit pas sur celui de la scène sonore grâce précisément à cette alchimie constituée d’une bonne dose de vivacité, d’une palette harmonique parfaitement dégradée et d’excellentes capacités en courant. Ce mélange très harmonieux produit une présentation spatiale particulièrement ample et savoureusement impressionniste. Les subtilités tonales qu’est capable de reproduire le bloc Pass permettent une appréciation spatiale étonnamment réaliste en termes de focalisation et d’étagement des plans. Les petits déplacements de la soprano Simone Kermes devant l’orchestre baroque (piste « Ha Vinto Amor », CD Cabasse La Collection) sont parfaitement discernés.
Transparence : Un Pass est par essence un appareil neutre et transparent. Par conséquent, nous n’avions pas vraiment de doute au sujet de ces nouveaux blocs XA100.8 dont les écoutes effectuées ont effectivement confirmé que le constructeur maintient le cap de la transparence et que les schémas élaborés pour cette gamme Point 8 vont plus loin encore dans la fidélité de reproduction. Notre recommandation est d’associer les XA100.8 à des enceintes au grave bien contrôlé pour que la restitution s’étoffe d’une humanité et d’une véracité peu communes.
Verdict
Nelson Pass n’est pas un fabricant comme les autres. Il n’est pas du genre à sortir des nouvelles électroniques tous les ans ou à assommer l’amateur avec un marketing insistant et prônant la technologie à outrance. Cette série Point 8 n’est donc pas fondamentalement innovante puisqu’elle perpétue la vénérable tradition de la classe A et des topologies symétriques propres à Pass Labs. En revanche, c’est à partir de cette solide base technique que le fabricant a fait évoluer sa gamme existante pour nous proposer cette nouvelle série techniquement plus élaborée. Nous avons adoré le XA100.8 qui sur le plan musical va plus loin sur tous les critères que les autres modèles Pass de puissance équivalente pourtant très performants. Les gains en subtilité, en autorité et en spontanéité insufflent plus de réalisme et de texture à la restitution, en somme plus de fidélité. Le but que s’était fixé le concepteur.
Fiche technique
Origine : États-Unis
Prix : 19 300 euros la paire
Dimensions : 229 x 483 x 540 mm
Poids : 52,6 kg
Puissance nominale :
2 x 100 W RMS (8 ohms),
2 x 200 W RMS (4 ohms)
Réponse en fréquence : 1,5 Hz – 100 kHz
Distorsion : < 1 % (1 kHz, 100 W, 8 ohms)
Sensibilité : 1,4 V (50 K RCA, 100 K XLR)
Entrées :
3 RCA (ligne dont 1 Pré In),
1 XLR (ligne)