PREAMPLI & BLOCS MONO
Après le séduisant Compact 845 testé dans notre numéro 177, nous abordons une combinaison plus ambitieuse du constructeur italien Mastersound, à savoir le préamplificateur PHL5 v.2 et les blocs mono à triodes 845. Hormis l’esthétique fondamentalement similaire, ces éléments séparés poussent le bouchon musical un cran plus loin.
La société Mastersound est spécialisée dans la fabrication de transformateurs audio et dans la production d’électroniques à tubes. Outre l’unique préamplificateur PHL5 v.2 que nous avons testé, le catalogue n’inclut que des amplificateurs intégrés ou de puissance dont l’étage de sortie travaille systématiquement en simple étage, soit un tube (ou deux en parallèle dans le cas des Monoblock 845 de notre banc d’essai) chargé par un transformateur à entrefer.
Préamplificateur PHL5 v.2.
Ce modèle est le seul disponible contre sept intégrés et trois blocs de puissance.
Le châssis signé Mastersound reprend l’aspect et les matériaux utilisés sur les autres électroniques, à savoir un berceau en tôles pliées et peintes en noir doté de joues en noyer foncé et d’un capot en inox pourvu de fentes d’aération. La face avant ne comporte plus que deux molettes en aluminium (contre trois pour le PHL5 de première génération), la sélection d’une des cinq sources, à gauche, et le réglage de volume, à droite. Le bouton central de sélection des modes mono, stéréo ou « mute » du PHL5 original a donc disparu. On retrouve à l’arrière huit paires de fiches RCA dont une dédiée à l’entrée phono MM complétée d’une vis de masse indépendante. Le préamplificateur travaille sans transformateur de sortie à partir d’un étage ligne à une double triode ECC83 par canal. Le constructeur ne fournit pas d’information technique mais la présence de condensateurs de liaison de forte valeur laisse penser à une topologie à deux étages et sortie cathodique. Le PHL5 v.2 embarque également trois tubes ECC802 (version faible microphonie et faible bruit de la référence ECC82) qui gèrent la section phono dont la correction RIAA. Tous les tubes de provenance JJ Tesla et les composants passifs audio sont installés sur un grand circuit imprimé en verre époxy. Les supports de tubes en stéatite sont à contacts plaqués or. Le transformateur d’alimentation est enrobé d’un feuillard en cuivre pour limiter le rayonnement ; on note également une importante quantité de condensateurs de filtrage. Les entrées sont commutées par relais, les signaux audio transitent par du câble coaxial à faible capacité. Toutes les résistances sont à film métallique et de puissance de 1 et 2 watts.
Bloc mono 845
La construction du boîtier répond aux mêmes standards que celui du PHL5 v.2. Les quatre cônes sur lesquels reposent les 34 kg de l’appareil drainent efficacement les vibrations parasites vers le sol, mais il faudra veiller à protéger tout aussi efficacement le meuble support. Outre le logo du constructeur et l’identité du produit, la face avant reçoit une diode LED rouge qui clignote à l’allumage de l’appareil (mise en chauffe des tubes et établissements de la haute tension) avant de s’illuminer fixement une fois qu’il est prêt à fonctionner. Les deux transformateurs à l’arrière (alimentation et de sortie) sont capotés en fût cylindrique. Les quatre tubes – soit deux doubles triodes 6SN7-GT et deux triodes de puissance à chauffage direct 845 – sont installés sur une tôle en inox repliée entre ces derniers tubes et les transformateurs, créant ainsi une isolation thermique. Quatre plaques d’aluminium superposées au moyen d’entretoises sont enfilées sur les tubes en guise de protection (impératif des normes CE). La face arrière reçoit une RCA et trois fiches haut-parleurs massives permettant de raccorder des enceintes de 4 ou 8 ohms d’impédance. Deux embases banane 2 mm permettent de vérifier la polarisation de chaque 845 quand celles-ci sont remplacées ; le réglage s’effectue par deux potentiomètres en interne. Le schéma semblerait être à quatre étages avec une 6SN7 en étage de gain et d’adaptation d’impédance, et la seconde en driver des deux 845, dont les grilles reçoivent un signal séparé (cellule CR indépendante pour chaque triode). L’implantation des composants essentiellement sur circuits imprimés est soignée, le câblage d’alimentation est toronné et transite loin des câbles véhiculant le signal audio.
Fabrication et écoute
Construction : L’allure et l’esthétique de ces électroniques rappellent incontestablement celles de l’intégré 845 testé il y a quelques mois dans notre magazine. On reconnaît la touche Mastersound avec le solide châssis en tôle d’acier enjolivé de joues en bois massif et d’un capot en inox. Les cônes de découplage devront être posés sur des coupelles pour éviter de rayer le support. L’implantation interne suit le trajet naturel du signal audio et fait la part belle aux circuits imprimés en verre époxy (unique dans le PHL5 v.2), visant ainsi à minimiser le câblage volant (par ailleurs torsadé) susceptible de générer des interférences.
Composants : Quelques points précis indiquent que le constructeur a soigné le choix des composants utilisés. Ça commence par les transformateurs capotés et les inductances de filtrage bobinés in situ avec des matériaux de haute qualité (Mastersound est d’abord un expert en transformateur). Ça continue avec les composants passifs comme les condensateurs critiques de liaison ou de découplage (filaments 845) à film polypropylène ou les résistances bobinées de puissance largement dimensionnées. Enfin, l’implantation à faible densité permet une meilleure évacuation des calories. Par ailleurs, les transformateurs sont entourés de tôles (fûts et supports) qui créent un blindage efficace contre le rayonnement magnétique.
Grave : La mise en parallèle des triodes 845 montées en simple étage est un choix délibéré et revendiqué de Mastersound qui cherche à favoriser avant tout la qualité des timbres et la fluidité de restitution. Sur le critère du rendu du grave, là où la plupart des concepteurs optent en général pour un montage push-pull moins souple qu’un schéma « single-ended » mais plus percutant et plus puissant subjectivement, il faut avouer que le mariage du PHL5 v.2 et des Monoblock 845 s’en sort avec les honneurs en fournissant un registre très correctement tendu et ferme, notamment sur les impacts reproduits avec conviction (introduction orchestrale de la Marche de Radetzky). Les soubassements (percussions sur « Moonlight on Spring River ») ne sont pas gommés, leur articulation très correcte permet de développer une assise palpable.
Médium : Les électroniques italiennes marquent beaucoup de points sur ce critère de prédilection, notamment pour les triodes à chauffage direct. Encore faut-il que le schéma soit à la hauteur et que les transformateurs de sortie, rouage fondamental d’un montage « single-ended », soient de la plus haute qualité. La qualité des timbres est tout à fait excellente avec une étude harmonique remarquable sur toute la phase de développement et d’extinction des notes. La contrebasse (« My Treasure » par Sinne Eeg) est distillée avec une analyse très fouillée et la perception précise de certains détails (frottement subtil des doigts sur les cordes) qui apparaissent avec plus d’évidences qu’à l’accoutumée. Le réalisme est superbe, la texture des notes apporte beaucoup de relief et de matière à la restitution.
Aigu : Très belles prestations de l’ensemble italien dans les hautes fréquences, mais ce n’est pas en soi une surprise. Néanmoins, on ne ressent pas de surenchère dans l’extrême aigu alors que la bande passante annoncée dépasse les 100 kHz. Au contraire, chaque détail musical se manifeste au sein de la partition par un dosage précis et réaliste en niveau et en harmoniques, et c’est sur ce dernier point que les 100 kHz annoncés font la différence. Les sonorités montantes et habituellement un peu pincées de la pipa de Zhao Cong sur « Moonlight on Spring River » gagnent incontestablement en souplesse avec les Mastersound qui analysent les microdétails plus aigus (frottements légers et rapides des doigts sur les cordes) avec une surprenante facilité. De même, durant l’envolée initiale de l’orchestre sur la Marche de Radetzky, le duo italien révèle précisément toutes les inflexions des différents cuivres avec un filé exempt de toute agressivité.
Dynamique : Avec quelque cinquante watts disponibles par canal, le Monoblock 845 sera capable de répondre aux exigences en courant d’une large palette d’enceintes du marché. On pourra ainsi s’offrir le luxe de monter le volume sans craindre de pousser les blocs dans leurs derniers retranchements. La ligne appuyée de basse électrique et le kick violent de batterie du « Sleep like a child » (Josh Stone) ne déstabilisent aucunement les Mastersound qui restituent toute l’amplitude et toute la puissance des instruments. Il est évident que l’utilisation d’enceintes de bonne à très bonne sensibilité permettra d’aller encore plus loin dans les possibilités dynamiques subjectives.
Attaque de note : Nous avons bien entendu écouté chaque appareil italien avec nos éléments repères et sommes arrivés à d’excellents résultats globaux avec parfois un mieux et parfois un léger recul. L’influence du préamplificateur PHL5 v.2 associé aux Monoblock 845 nous a semblé audible et bénéfique sur ce critère avec une impression d’étoffe harmonique supérieure et une remarquable lisibilité sur les messages complexes. Sur la piste « Julsang » (CD Cantate Domino du label Proprius), chaque choriste au sein du groupe est distinctement audible. L’effet d’intermodulation qui se traduit très souvent par un brouillard et un brouillage sonore est sensiblement atténué, améliorant ainsi la focalisation et par conséquent l’impression subjective de présence.
Scène sonore : Les triodes (petits signaux comme les diverses ECC, ou celles à chauffage direct) restent la référence quand il s’agit d’évoquer le réalisme ou l’aération d’une scène sonore. Les qualités d’immédiateté des électroniques italiennes et l’analyse harmonique très documentée qui en découle sont à l’origine d’une scène sonore ample, très bien proportionnée en termes de dimensions et de volume. Le London Symphony Orchestra interprétant la Symphonie n° 11 de Chostakovitch se déploie très largement dans le studio d’enregistrement, on suit instinctivement du regard chaque pupitre à chaque entame de partition. L’air circule, les musiciens ne sont pas collés les uns aux autres.
Transparence : Nul ne peut contester les qualités de musicalité du préampli PHL5v.2 et des blocs mono 845 du fabricant italien. Quelques secondes suffisent à « entendre la différence » par rapport aux produits concurrents, toutes technologies confondues. On pourra peut-être pointer un grave certes consistant mais qui manque d’un soupçon d’affirmation. Cela dit, l’équilibre tonal est impeccable, la bande passante est étendue, l’écoute reste très neutre, très transparente, très vraie sans jamais tomber dans le piège du « son tube », caricature évitée avec brio par Mastersound.
Rapport qualité/prix : Malgré leurs prestations sonores de haut niveau, il faut avouer que les Mastersound sont tout de même un peu chers. Certes bien fabriqués, bien mis au point et pourvus d’un certain niveau de convivialité (télécommande, étage RIAA, deux sorties « pre out », sorties 4 et 8 ohms), ces deux produits offrent un niveau global de possibilités (connectivité) et de prestations techniques (puissance) inférieure à ce qu’on trouve de plus en plus couramment sur le marché à ce niveau de prix. Cependant, acquérir un ensemble à tubes est une démarche de mélomane pur et avide d’émotion avant tout. Dans cette optique, le prix pourra passer au second plan.
Verdict
L’extrême cohérence musicale de cet ensemble Mastersound nous a conquis.
On sent dès les premiers instants que le concepteur a pensé ses deux produits avec le même esprit, avec la même philosophie. La restitution est extrêmement neutre et délicate, riche en timbres, étendue en réponse fréquentielle et équilibrée au niveau tonal. Ce sont les nuances dévoilées par le PHL5 v.2 et les blocs mono 845 qui font la différence à l’écoute. L’auditeur baigne dans un univers musical très réaliste, aux sonorités familières et qui ne verse jamais dans le démonstratif grâce à la subtilité innée de triodes parfaitement mises en œuvre.
Fiche technique
Origine : Italie
Prix : 4 860 euros (PHL5 v.2),
12 600 euros
(la paire de 845 Monoblock)
Dimensions :
420 x 120 x 390 mm (PHL5 v.2),
270 x 300 x 630 mm (bloc mono 845)
Poids : Pré. 9 kg, Bloc 34 kg
Préampli PHL5 v.2
Réponse en fréquence :
1 Hz–100 kHz à 0 dB
Entrées : 4 RCA (ligne),
1 RCA phono
Sorties analogiques :
2 RCA « Out 1 » et « Out 2 »
1 RCA enregistrement
Bloc mono 845
Puissance nominale :
50 W sous 4 et 8 ohms
(classe A sans contre-réaction)
Réponse en fréquence :
1 Hz–100 kHz à 0 dB
Entrées : 1 RCA (ligne)
Sorties : 3 fiches haut-parleurs
(0, 4 et 8 ohms)