TRIANGLE ANTAL EZ

Dans sa poursuite d’absolu sonore, le fabricant français Triangle a lancé sa série Esprit dans son évolution Ez qu’il a développée comme une incarnation accessible de 35 années d’expérience au service de la musique. La gamme, forte de six enceintes, est couronnée par la colonne Antal Ez dans sa version la plus aboutie. 

Lancée en 1994, l’enceinte acoustique Esprit Antal est la première mouture d’un modèle trois voies qui subira tout au long de sa carrière diverses modifications et adaptations dont la dernière a été baptisée Ez.

Le retour du papier

La colonne Antal Esprit Ez, disponible en trois finitions (laque blanche ou noire, vinyle bois), présente une empreinte au sol relativement modeste. L’ébénisterie réalisée en médium de 21 mm dispose d’un renfort interne qui rigidifie sa structure. La charge bass-reflex est accordée au moyen d’un évent frontal évasé qui limite les turbulences de l’air expulsé. Le cache en tissu tendu se fixe par aimantation.

L’ensemble repose sur un socle épais en verre dont les quatre coins acceptent des cônes de découplage fournis (aluminium ou caoutchouc) eux-mêmes découplés du socle par des bagues en caoutchouc. Le grave est confié à deux boomers de 16 cm à membrane en fibre de verre et textile, combinaison qui améliore la rigidité. Le nouveau saladier qui reçoit une double ferrite dissipe plus efficacement les calories de la bobine. Le médium de 16 cm est lui aussi équipé d’une membrane blanche en pulpe de cellulose naturelle. La suspension à petits plis augmente la surface émissive activée par une ferrite de grand diamètre. Le profil de la membrane, la forme de la suspension et celle de la nouvelle ogive de dispersion ont été directement inspirés des recherches effectuées durant le programme Magellan.

Quant au tweeter TZ2510, il met en jeu un dôme en titane pur de 25 mm chargé par une chambre de compression et un pavillon frontal, une technique qui améliore la sensibilité et diminue la distorsion. Une bague en néodyme magnétise l’entrefer au centre d’une chambre absorbante qui jugule la propagation de l’onde arrière. Une pièce de phase centrale réduit la directivité du haut-parleur. Les composants audiophiles et sélectionnés du filtre placent les fréquences de coupure à 215 et 3 500 Hz. Le câblage interne est en cuivre pur désoxygéné Triangle et débouche sur un double bornier exclusif à la série Esprit Ez à fiches en alliage à forte teneur en cuivre. Le raccordement entre bornes de même polarité est réalisé par des straps filaires à fourches.

Fabrication et écoute

Construction : Le constructeur a consigné avec cette dernière version de l’enceinte Antal EZ toute la somme de ses connaissances et de sa longue expérience. Il a voulu démontrer qu’on pouvait fabriquer une enceinte acoustique de grande qualité à prix étudié sans se fourvoyer dans des compromis techniques et économiques.

Composants : Le mélange de différentes technologies pour les membranes des haut-parleurs a été conçu et mis au point avec beaucoup de maîtrise pour un résultat sonore d’excellente facture. La recherche d’un prix attractif voire agressif n’a pas exclu le bornier maison et le socle en verre sur pointes qui reste au programme.

Grave : La charge bass-reflex des deux transducteurs de 16 cm permet une analyse convaincante du registre. La tenue globale (légère emphase quand on monte le niveau) dépendra également des électroniques et des câbles en amont. La restitution est plutôt généreuse en bas avec une coupure subjective assez marquée vers l’extrême grave par conséquent court. La petite tonique qui souligne le haut grave n’entame pas le détourage assidu des notes.

Médium : Les haut-parleurs à membrane en papier ont cette faculté de ne pas colorer le son et ne pas distordre subjectivement. C’est tout à fait ce qu’on retrouve sur les Antal EZ dont l’unité de médium nous régale de timbres remarquablement justes. La voix de Simone Kermes interprétant « Ha Vinto Amor » d’Antonio Caldera est imprégnée de beaucoup de sensualité grâce à un rendu très modulé et très documenté en harmoniques.

Aigu : Malgré l’utilisation d’un tweeter à pavillon, la fusion avec le registre de médium est parfaite et totalement inaudible du fait d’un filtrage parfaitement optimisé. Le tweeter grimpe haut en fréquence avec une grande précision d’analyse et beaucoup de finesse de restitution. Son rendu très vif et exempt de toute agressivité apporte par moment un supplément de luminosité qui confère au message une dose de présence.

Puissance instantanée : Le constructeur annonce une puissance admissible de 120 W pour ses colonnes qui encaissent sans broncher. Les timbales de la Symphonie n° 11 de Chostakovitch donnent la mesure du bon potentiel des enceintes dans le grave, même s’il manque un poil d’énergie sur les impacts et de tension sur les peaux en vibration. Ceci étant, les dimensions et les tonalités des instruments restent fondamentalement crédibles notamment grâce à la spontanéité et à la richesse harmonique du médium qui entre en jeu peu après 200 Hz.

Attaque de note : L’ensemble des registres se caractérisent par une réactivité remarquable quel que soit le type de message musical ou la complexité de la partition. Les bonnes qualités de fouillé des Triangle leur permettent de décrypter chaque performance avec une acuité étonnante. L’ambiance live de la piste « C’est ça le blues » du Michel Jonasz Trio révèle une très grande quantité de bruits, de sons et de détails. Et on apprécie la bonne lisibilité des enceintes sur les passages particulièrement coriaces.

Scène sonore : Nous avons pris soin de dégager les enceintes des murs latéraux et arrière et de bien les écarter l’une de l’autre avec un léger pincement vers le point d’écoute. Dans ces conditions relatives à notre pièce d’écoute mais reproductibles n’importe où, la présentation spatiale des Antal EZ prend des dimensions tout à fait crédibles en termes de proportions et notamment de profondeur. La performance vit et respire (belle ambiance réverbérante sur « Ha Vinto Amor »), l’air circule dans le lieu de l’enregistrement et autour des artistes. La focalisation du clavecin et de la soprano en début de piste est d’une grande précision.

Transparence : L’écoute des Antal EZ est imprégnée à la fois d’une grande fluidité et d’une belle vivacité. Le choix de la pulpe de cellulose pour le médium qui entame sa partition bas et d’une chambre de compression pour l’aigu confère une grande réactivité à la colonne dont on ne peut remettre en question la cohésion des timbres et la fusion sonore. Elle ne verse jamais dans l’agressivité ou la lecture clinique et décharnée. C’est toujours rapide mais également consistant.

Rapport qualité/prix : Au vu de ce que proposent les Antal EZ aussi bien au niveau des choix techniques qu’au niveau purement musical, il apparaît évident que le prix auquel elles sont commercialisées devient plus que raisonnable. Et à ce prix-là, le mélomane dispose du modèle phare du catalogue du fabricant dont on salue les efforts incessants pour ramener la marque à son meilleur.

Verdict

La dernière mouture EZ de l’Antal, colonne née sous une bonne étoile il y a plus de vingt ans, est une réussite. Cette enceinte à l’esthétique assez sobre revient quelque part aux fondamentaux du constructeur avec notamment un médium à membrane en papier qui gère brillamment quatre octaves parmi les plus fondamentales du spectre audible. L’équilibre linéaire et la balance tonale sans accidents nous laissent à penser que cette EZ pourrait être la meilleure de toutes les Antal produites. Un choix à considérer sous la barre des 2 000 euros.

Fiche technique

Origine : France
Prix : 1 900 euros (vinyle noyer), 2 200 euros (laque)
Dimensions : 300 x 1 115 x 400 mm (avec socle)
Poids : 27,1 kg
Réponse en fréquence : 40 Hz – 22 kHz à ± 3 dB
Sensibilité : 92 dB/W/m
Puissance admissible : 120 W
Impédance minimale : 3 ohms

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