Les amplificateurs de puissance Accuphase ont toujours animé la scène audio internationale haut de gamme. Digne successeur du M-6000, le bloc mono M-6200 offre des performances objectives exceptionnelles et des talents subjectifs de très haute tenue. Une main de velours dans un gant de fer…
Logé au sein du somptueux châssis Accuphase en aluminium brossé et anodisé champagne équipé de dissipateurs à ailettes recouverts d’un revêtement façon peau de pêche gris foncé, le M-6200 reflète la même impression visuelle qu’une luxueuse voiture de sport. Les massives poignées frontales encadrent un vumètre à aiguille complété de quelques diodes LED informatives et les quatre touches et poussoirs de commande (mode vumètre, mise sous tension, sélecteur d’entrée RCA ou XLR à commutation par switch Mos-Fet et réglage du gain). Quatre énormes bornes haut-parleurs Accuphase, la connectique d’entrée, deux poignées additionnelles, le sélecteur de brochage XLR et le commutateur de mode de fonctionnement stéréo ou bridgé habillent la face arrière.
L’intérieur abrite un moteur V32. Galéjade mise à part, il s’agit d’un schéma symétrique qui aboutit à un push-pull de deux amplificateurs push-pull parallèle de 16 transistors bipolaires complémentaires strictement identiques. Une structure qui à la fois augmente le courant disponible en sortie et abaisse l’impédance de sortie de manière significative. Avec une boucle de contre-réaction négative en courant à base d’un circuit symétrique de détection placé au plus près des sorties haut-parleurs, l’appareil propose un facteur d’amortissement très élevé de 1 000. Les enceintes vont bien se tenir ! L’étage d’entrée symétrique de type instrumentation à très faible bruit suivi d’un étage MCS+ symétrique maison permettent d’obtenir des chiffres de rapport signal sur bruit extrêmement faibles. L’alimentation est confiée à un transformateur torique blindé assisté de deux condensateurs de 48 000 µF.
Construction : Une fois de plus, nous avons avec le M-6200 un travail d’assemblage, une finition et une qualité de composants hors normes. Il est impossible de trouver le moindre défaut à cet appareil dont on apprécie encore et toujours la légendaire couleur champagne, le colossal vumètre rétroéclairé, les énormes radiateurs à la peinture mate et subtilement granuleuse, l’exceptionnel travail de câblage interne (implantation des composants sur des circuits imprimés à base de résine de fibres de verre et pistes plaquées or) aussi symétrique que le schéma d’amplification, et le velouté des commandes.
Composants : Accuphase est un des très rares constructeurs qui décortiquent complètement leurs appareils dans leurs notices techniques. Et force est de constater que le fabricant opère encore et toujours une sélection draconienne de tous les éléments qu’il met en œuvre dans ses électroniques. De plus, la sortie d’un nouveau modèle s’accompagne systématiquement d’un schéma amélioré par rapport à celui de la version qu’il remplace. Fidèle à la tradition « symétrique » de bout en bout, on note la présence d’un driver MCS+ configuré en pont (deux MCS+ sur chaque bras du push-pull symétrique) et d’un étage de sortie formant un push-pull symétrique de deux octuples push-pull, soit 32 transistors au total. Tout est dimensionné à l’extrême pour obtenir une puissance musicale de 1 200 W sous une charge de 1 ohm ou, au choix, de 2 400 W sous 2 ohms quand les deux canaux sont pontés…
Grave : Le M-6200 dévoile une personnalité particulièrement musclée, puissante et généreuse dans cette partie du spectre. La compréhension du message est remarquable dans le haut grave et le bas médium, zones où le bloc révèle magistralement et précisément le contour, la matière, la densité de chaque note. Sur la piste « My Treasure » par Sinne Eeg, la contrebasse est restituée avec beaucoup d’intelligibilité, les diverses résonances de la structure boisée profilant un instrument charpenté aux proportions tout à fait plausibles. Nous avons apprécié la franchise des frottés sur les cordes générant des sonorités plutôt sèches sans trace d’abondance.
Médium : Nous avons dû écrire cela à maintes reprises, mais il n’est jamais certain qu’un schéma pourvu d’autant de composants actifs et notamment au sein de son étage de sortie puisse délivrer des timbres, disons, de la plus pure justesse… La surprise fut donc bonne et grande à l’écoute de la piste « Gotcha » (CD A Fortnight in France de Patricia Barber en concert). Le M-6200 nous a conquis par son inattendu pouvoir de définition. Pas tout à fait de la classe A certes, mais de la classe AB raffinée. La voix s’épanouit avec un cortège harmonique environnant très proche de nos meilleurs repères (réverbérations de la salle, bruits de la foule, proximité de la jazzwoman et du micro notamment). L’excellente répartition dynamique se traduit par une large variété de couleurs tonales et une véracité convaincante des timbres.
Aigu : La réponse du M-6200 dans le haut du spectre s’étend haut en fréquence. L’analyse harmonique procure une sensation de cohérence en termes de dégradé et d’enveloppe, mais néanmoins et sur notre système un sentiment de légère retenue. Sur la piste « Moonlight on Spring River » par Zhao Cong (The Dali CD volume III), le développement de note à chaque impact sur les percussions fournit de très nombreuses informations. C’est piqué à souhait, rien à dire. Les sonorités caractéristiques du métal frappé sont bien rendues par l’impact initial très incisif, mais les harmoniques élevés paraissent subjectivement faibles en niveau, conférant un soupçon de matité tout en haut.
Dynamique : Avant même d’avoir raccordé l’appareil, la lecture des spécifications techniques est révélatrice du potentiel détonant de ce nouveau-né. Capable de délivrer plus de 1 000 W sur une charge proche du court-circuit et doté d’un facteur d’amortissement digne des meilleurs amplificateurs numériques, le bloc réagit à la moindre sollicitation transitoire. Avant de « jouer » avec cette débauche d’énergie, il faudra veiller à ce que les enceintes soient capables de suivre le train. Si tel est le cas, alors on assiste à une reproduction aussi vivace que puissante, avec des impacts aussi violents que la foudre. L’introduction de « Dis-le » interprétée par Baz Baz sur les toms de batterie et sur l’attaque de la guitare basse est d’une fulgurance énergétique époustouflante. La remarquable répartition dynamique à bas comme à fort niveau d’écoute démontre les étonnantes capacités en courant du bloc Accuphase.
Attaque de note : L’importante réserve d’énergie disponible en sortie d’alimentation et le schéma symétrique en classe AB contribuent à la nervosité et à l’immédiateté du M-6200 qui s’inscrit dans le peloton de tête de ce que nous avons entendu de mieux sur ce critère. L’appareil dont il n’est a priori pas possible d’atteindre les limites techniques déverse un message aussi vif sur les fortissimo (timbales et cymbales dévastatrices sur la Symphonie n° 11 de Chostakovitch) que sensuel et délicat sur les passages teintés d’émotion (partie instrumentale piano et batterie de « My Treasure » par Sinne Eeg).
Scène sonore : La scène sonore proposée par les blocs Accuphase véhicule une illusion holophonique très crédible. La répartition réaliste du London Symphony Orchestra durant la Symphonie n° 11 de Chostakovitch nous a permis d’apprécier l’excellente précision de focalisation des sources d’émission dans le studio et le souffle d’aération entre les artistes. De plus, les bruits divers et d’ambiance sont aisément perçus, démontrant les capacités poussées de résolution de l’appareil.
Transparence : Tronc commun qualitatif à toutes les électroniques, la transparence ne fait pas défaut au M-6200. Le nouveau schéma symétrique très dense en composants s’avère finalement d’une grande neutralité générale. Le message mêle fluidité et haute définition sans ne jamais céder à l’agressivité, à bas comme à fort niveau d’écoute. On apprécie l’équilibre tonal et la linéarité de la bande passante subjective.
Rapport qualité/prix : Le M-6200 n’est malheureusement pas une électronique accessible à tous les publics. L’exceptionnelle qualité de fabrication et les performances de haut niveau justifient à elles seules le prix élitiste de cette électronique résolument haut de gamme. Sans véritable limite en termes de fonctionnement, ces blocs mono seront à même de piloter les enceintes les plus récalcitrantes. Ils exigent en revanche un préamplificateur à la hauteur des ambitions, ce qui fera monter encore un peu la note finale.
Le bloc mono M-6200 est un amplificateur ultrapuissant et d’une stabilité inconditionnelle. Capable de soutenir les écarts dynamiques les plus intenses, ce magnifique bloc mono sait tout autant restituer l’intensité émotionnelle d’une partition classique que le rythme endiablé d’une piste moderne. Avec cet appareil doté de circuits améliorés, Accuphase nous dispense une nouvelle leçon de maîtrise du schéma électronique au service de la fidélité de restitution. Du très bel ouvrage.
Origine : Japon
Prix : 14 990 euros pièce
Dimensions : 465 x 220 x 499 mm
Poids : 40,2 kg
Réponse en fréquence : 20 Hz - 20 kHz à +0 /-0,2 dB(pleine puissance)
Puissance nominale : 2 x 150 W (8 ohms), 2 x 1 200 W (1 ohm)
Sensibilité : 1,38 V (RCA 20 K et XLR 40 K)
Rapport signal sur bruit : < -127 dB (gain maxi)
Distorsion : < 0,03 % (charge 4 à 16 ohms), < 0,05 % (charge 2 ohms)
Facteur d’amortissement : 1 000
Entrées : 1 RCA, 1 XLR
Sorties : 2 paires HP