AMPLI DE PUISSANCE
Spécialisé dans les électroniques (lecteurs CD, DACs, préamplificateurs et amplificateurs), la firme Hegel ne propose pas moins de trois modèles de puissance, dont le plus récent H4SE doté de performances alléchantes.
Le bloc stéréo de puissance représente le milieu de gamme de chez Hegel, entre le « petit » H20 délivrant 200 W par canal sous 8 ohms, et le bloc mono H30, éventuellement configurable en stéréo (puisqu’il fonctionne en mode bridgé en mono). Sur le plan historique, les premières électroniques élaborées par le norvégien Bent Holter, avant qu’il ne fonde Hegel, furent des amplificateurs de puissance destinés à sonoriser son groupe. Le bloc stéréo H4SE applique de nombreuses techniques fort pertinentes, tant les résultats probants se vérifient à l’écoute.
Prise en charge de la modulation
Le Hegel reprend les traditionnels borniers universels pour les sorties de puissance, doublés pour le bi-câblage des enceintes. Les entrées se partagent entre les liaisons symétriques sur XLR et asymétriques sur cinch. On passe d’un standard à l’autre en actionnant un petit commutateur par canal. Un amplificateur opérationnel de très bonne qualité (un SSM 2141 par canal) prend en charge la liaison différentielle. L’entrée asymétrique transite par un condensateur au polypropylène SCR frappé de la marque Hegel. Enfin, au bas du panneau arrière figure une embase IEC recevant le courant secteur. Et du courant, il en faut !
Une puissance confortable
L’énorme transformateur torique capable de délivrer plus de 2 000 W alimente les étages de gain en double/double mono, sachant que chaque carte d’amplification dispose de deux circuits indépendants, ce que l’on devine à la présence de deux ponts de diodes à haut courant pour chacune des voies. Il s’agit là de la technologie Dual Power développée par Hegel. Le découplage des alimentations comprend 16 condensateurs électrochimiques de 8 200 µF par canal, soit plus de 260 000 µF en tout. Cette valeur capacitive, déjà conséquente sur le papier, prend toute son importance lorsqu’on remarque la disposition des condensateurs à l’horizontale, au plus près des étages de gain, afin d’éviter la perte en ligne, tout en conservant un comportement dynamique optimal.
La technologie SoundEngine
Les circuits de gain, constitués de 14 paires de transistors bipolaires par canal, des modèles très classiques et répandus, spécialisés pour l’audio, prennent place dans un montage combinant les avantages de la classe AB et de la classe A, sans leurs inconvénients respectifs. Ainsi, les couples de transistors PNP 2SA1943 et NPN 2SC5200 (15 A/150 W chacun) éliminent, dans un montage dérivé de la classe AB, la distorsion de croisement provoquée par le raccordement, au passage par zéro, du « push » et du « pull », comme le ferait un montage en classe A. Ce système préventif est dénué de toute contre-réaction négative globale. En résumé, ce procédé combine la distorsion négligeable de la classe A avec le rendement énergétique de la classe AB.
La technologie Dual Amp
En corrélation directe avec la Dual Power, qui procure deux alimentations distinctes à chaque canal, Hegel sépare, sur tous ses modèles d’amplificateurs, le gain en tension du gain en courant. Tout d’abord, la modulation traverse le module fonctionnant en tension, puis celui fonctionnant en courant. Ce dernier génère un fort courant à destination des enceintes, dont la force contre-électromotrice est totalement maîtrisée. On peut en avoir une idée précise lorsqu’on constate que le facteur d’amortissement atteint une valeur élevée : 1 000 sous 8 ohms, ce qui signifie, à la fréquence donnée (que le constructeur ne précise pas), que l’impédance de sortie du H4SE est de seulement 8 millième d’ohms : de quoi piloter les enceintes les plus capricieuses en terme de variations d’impédance. De plus, cette technologie séparant étages de gain en tension de ceux fonctionnant en courant a pour effet annexe de réduire encore la distorsion et d’améliorer le comportement dynamique de l’amplificateur. L’application des principes développés par Hegel en termes des résultats d’écoute démontre, à l’évidence, que ces technologies « propriétaires » ont un impact très positif sur la restitution.
Fabrication et écoute
Construction : Le coffret, à l’épaisseur calculée pour recevoir plus d’une quarantaine de kilos de composants, à commencer par le transformateur torique de plus de 2 kW, repose sur six pieds. La disposition symétrique des deux cartes d’amplification gauche et droite est dictée par leur montage sur de larges dissipateurs thermiques latéraux.
Composants : Afin de garantir la meilleure stabilité possible pour une grande puissance de sortie, le constructeur a doté son amplificateur de 56 transistors bipolaires finaux et de 32 capacités électrochimiques montées à proximité immédiate des transistors, gros demandeurs d’énergie instantanée.
Grave : Après quelques minutes de chauffe, cet Hegel donne toute sa mesure, à commencer par une assise époustouflante dans le bas du spectre qui se montre charpenté, organique et rapide, tout en restant stable et jamais en manque d’énergie. On sent les chevaux sous le capot ! Il est peu courant (sans jeu de mots) de ressentir aussi bien le mélange de claquant et de profondeur du stick Chapman joué de main de maître par Pascal Gutman. La densité et la définition en deviennent quasi palpables.
Médium : Magistral dans le registre grave, le HASE devient nuancé, tout en pleins et en déliés dans la bande médiane, grâce à une puissance disponible vertigineuse dont il use sans abuser, même si l’on sent, parfois, qu’il aimerait bien lâcher la cavalerie. Cet amplificateur possède une grande vivacité qu’il aurait du mal à dissimuler, surtout sur les passages bien enlevés. La restitution fouillée de ce registre complexe traduit une grande aisance et le respect du moindre détail musical.
Aigu : Le caractère prompt et méticuleux constaté sur les deux autres registres ne dépare pas de l’impression donnée par le comportement du Hegel dans le haut du spectre. À l’instar des meilleurs amplis du moment, il remplit son office sans difficulté, dans le respect des événements sonores et musicaux, reproduits avec authenticité et aération. Si le H4SE file très haut dans les harmoniques présents sur les audiogrammes, il le fait en conservant une densité toute analogique, dans l’acception la plus musicale du terme.
Dynamique : Cet amplificateur dispose d’une telle énergie potentielle que la plage dynamique, aussi large soit-elle, n’entraîne ni tassement sur les fortissimi, ni simplification harmonique des signaux de faible amplitude. Les pointes de modulation sont avalées sans la moindre difficulté, grâce à une énorme réserve de puissance et des circuits courts entre l’alimentation et les étages de gain. On ressent toujours cette impression de grande puissance, qui n’attend que le moment propice pour s’échapper des enceintes… Impressionnant.
Attaque de note : Cette vivacité permanente, mais parfaitement maîtrisée de l’amplificateur, s’illustre dans les attaques de notes, restituées à l’identique par rapport au contenu des audiogrammes. Cela posé, la dureté n’est pas de mise, seulement le caractère vivant des œuvres musicales, comme pour coller au plus près de la prise de son initiale, sans la dénaturer, mais au prix d’une sorte de punch aéré qui traduit bien la personnalité de l’Hegel H4SE.
Scène sonore : Les tests d’écoute précédents laissent deviner ce à quoi l’on peut s’attendre dans le respect des environnements sonores. Sur ce plan (sur ce relief, pourrait-on préciser, car cette expression sied mieux au comportement de l’Hegel), l’amplificateur brille dans toutes les dimensions. En effet, les scènes sonores sont restituées avec beaucoup d’authenticité, en largeur, profondeur, mais aussi en hauteur, tant l’Hegel fait preuve d’une acuité peu commune dans le respect des sources sonores et de leur focalisation dans l’espace musical.
Transparence : L’absence de coloration, le caractère organique et musclé, une scène sonore conforme aux enregistrements… Le H4SE domine, de ses performances musicales, tout ce qui passe dans ses transistors de puissance, avec beaucoup d’aisance et de tenue, d’autant que le facteur d’amortissement, supérieur à 1 000 sous 8 ohms, maintient fermement les membranes des haut-parleurs en éliminant leur force contre-électromotrice.
Qualité/prix : Cet amplificateur de puissance, musclé, charpenté et articulé à souhait, dévoile des performances que l’on ne rencontre que peu souvent. La maestria avec laquelle il impose le signal audio amplifié aux transducteurs ne laisse pas de place à la fantaisie, au profit d’une musicalité diffusée au plus près du contenu des audiogrammes. Que lui demander de plus ? De présenter un prix plus abordable ? Même pas, tant il remplit son rôle au-delà des espérances.
Verdict
Cet amplificateur remarquable, bien qu’arborant une implantation générale somme toute classique, à première vue, surpasse toutes les espérances. En effet, l’alimentation centrale et les étages de gain montés sur dissipateurs latéraux ont un air de déjà vu… Cependant, un examen plus poussé laisse entrevoir la conception aboutie de l’Hegel H4SE, consistant à séparer le gain en tension du gain en courant, pour une musicalité accrue. De plus, les caractéristiques élevées, tant en matière de puissance que de facteur d’amortissement, assurent à cet amplificateur la faculté
de piloter n’importe quel type d’enceintes acoustiques, y compris celles de faible sensibilité et dotées d’une courbe d’impédance plutôt accidentée : autant de contraintes que le Hegel a le pouvoir de gommer sans effort, ce qui le place dans le peloton de tête des très bons amplificateurs de puissance du moment.
Fiche technique
Origine : Norvège
Prix : 7 500 euros
Dimensions : 21 x 43 x 55 cm
Poids : 45 kg
Puissance de sortie sous 8/4/2 ohms :
2 x 300 W / 2 x 570 W / 2 x 1 000 W
Facteur d’amortissement :
supérieur à 1 000
Entrées ligne stéréo : 1 sur cinch,
1 sur XLR (commutables)
Réponse en fréquence :
20 Hz à 20 kHz ± 0,2 dB
Réponse en phase : moins de 2°
sur toute la bande passante
Taux de distorsion : > 0,004 % à 100 W
Niveau de bruit : -100 dB